Depuis le début 2009, la Chine multiplie les accords d’échange de devises (« swap ») avec plusieurs pays. Pas de quoi évacuer Wall Street. Mais des experts croient néanmoins que Pékin tente de pousser sa monnaie sur le devant de la scène internationale… en faisant un pied de nez au tout puissant billet vert américain.
La Banque de Chine a conclu six de ces accords de crédit croisé depuis décembre, des pays qui ont dit « oui » au yuan: l’Argentine, l’Indonésie, la Corée du Sud et la Biélorussie notamment. Beaucoup de milliards de yuans. Et des négociations se poursuivent avec d’autres pays.
Si vous faites des affaires avec la Chine, plus besoin de payer en dollars américains. Le yuan est utilisé pour toutes les transactions financières, monétaires.
Les autorités chinoises maintiennent que ces transactions visent à injecter de la liquidité dans le système financier, à un moment où la crise bancaire complique le financement du commerce.
La Chine cherche plutôt à réduire ses risques associés à sa réserve de dollar américain et à habituer les clients à payer avec sa monnaie.
« Le but semble bien de poser les fondations pour que le yuan devienne plus largement utilisé dans le commerce international », affirme Andrew Peaple, expert-comptable collaborateur de l’agence Dow Jones.
Pour l’instant, le yuan est une monnaie dont la convertibilité est limitée à certaines activités, comme le tourisme. Le yuan n’est pas une devise jugée acceptable, par exemple, dans les transactions financières internationales.
Les swaps chinois ont été soigneusement planifiés. Ils surviennent à l’heure où Pékin vient de jeter un pavé dans la mare financière: peu avant la réunion du G20, avril 2009 à Londres, Pékin a avancé l’idée d’en finir avec la domination du billet vert et d’adopter une monnaie de référence internationale.
Les Chinois sont préoccupés par leurs investissements en obligations américaines. Ils sont le plus grand créancier de la dette américaine, de toute la planète. Cela leur confère une super puissance de chantage, de domination. La planète est à genoux devant la Banque de Chine. Une grande part (70% environ) de ses réserves monétaires est en dollars US.
La Chine s’inquiète de l’émission massive de billets verts par Washington, qui cherche à financer ses déficits record. Cela risque d’affaiblir le dollar américain et, du coup, de déprécier davantage les placements chinois chez l’Oncle Sam.
Des experts sont d’avis que la création d’une devise internationale alternative est un projet irréaliste. Du moins à court terme. Simplement parce qu’on ne crée pas à partir de rien une monnaie internationale, qui repose sur la confiance, la solidité du système de grands pays ou sur l’or.
La Chine le sait aussi. C’est pourquoi elle cherche à promouvoir l’usage du yuan dans le commerce. C’est un travail de longue haleine. Mais cela cadre avec les objectifs de l’empire du Milieu de s’imposer à pas de tortue comme le champion leader financier sur la scène internationale.
Évidemment, les Chinois n’ont pas intérêt à fragiliser le billet vert, du moins à court terme.
En distribuant des milliards de yuans hors de ses frontières, la Chine construit peu à peu un nouveau marché. Elle se prépare donc à faire des vagues dans le commerce mondial, même et surtout si cela donne la nausée aux Américains.
La revanche chinoise est arrivée.
La dramatique situation financière des États-Unis pourrait-elle déboucher sur une forte dépréciation du dollar ? Le billet vert pourrait-il être remis en cause dans son rôle de monnaie de réserve mondiale? La stratégie chinoise des « SWAT » pourrait confirmer la révolution du système monétaire mondial.
C’est pour bientôt.
Source: Richard Dupaul, La Presse, 6 avril 2009
Adaptation: Jean Paul Tellier
http://www.ameriquebec.net/actualites/2009/04/09-mieux-vaut-avoir-des-yuans-que-des-dollars-us.qc#comment-9399
Sujet: La fin du dollar est-elle proche