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Manifestation contre le Prince Charles
11 novembre 2009
Louis Préfontaine
«
Nous
avons gagné pour l’annulation de la reconstitution de la bataille des
plaines d’Abraham; ce soir aussi nous avons gagné, car le prince
Charles a dû entrer par la porte arrière » a lancé Patrick Bourgeois, du Réseau de Résistance du Québec (RRQ) à la foule en liesse.Autour
de moi, 250 personnes environ (un bon nombre pour une manifestation
largement organisée sur le web), en groupe compact, criant, scandant,
levant des drapeaux des Patriotes et du Québec au ciel.Il y a
une dizaine d’années, j’ai participé à des manifestations du Mouvement
de libération nationale du Québec (MLNQ), dirigé par l’ex-felquiste
Raymond Villeneuve. Sans rien vouloir lui enlever, ni à lui ni à ses
supporters, nous étions toujours une poignée. D’un côté des
cinquantenaires nostalgiques, de l’autre des jeunes comme moi, dont
plusieurs semblaient avoir un problème à bien gérer leurs émotions.Aujourd’hui,
tout était différent. La foule était diverse et bigarrée. Jeunes, moins
jeunes, vieillards, jeunes femmes, comédien connu, président de la
Société Saint-Jean-Baptiste, hommes en veston-cravate, universitaires,
professionnels. Contrairement à ce que j’avais vu au MLNQ, j’avais
l’impression d’être dans une manifestation réellement représentative de
la société, avec des individus différents mais unis par un but commun.Les
slogans aussi ont changé. Cohabitaient encore le célèbre « 101 ou 401 »
(faisant référence à l’autoroute 401 en Ontario) et le classique « Le
Québec aux Québécois », mais se sont ajoutés un « Démocratie,
démocratie, démocratie » quand l’escouade anti-émeute a chargé sur la
foule jusqu’alors bien pacifique.Des jeunes et des moins jeunes
se sont assis au milieu de la rue, faisant un « V » de leurs doigts, le
« V » de la victoire, celui de la paix. Celui de la résistance passive
et non-violente. Ce qui n’a évidemment pas empêché des policiers de
leur donner des coups de pieds, et d’en embarquer quelques uns dans le
panier à salade.Un homme, un simple homme, a tout résumé. Je ne
me souviens plus de son nom. J’étais agité, car je regardais le sang
couler de son crâne vers le côté de son visage tuméfié. Il était là,
devant moi, m’expliquant qu’il écrit régulièrement sur
Vigile et qu’il semblait vaguement me connaître, car lisant occasionnellement mon blogue.Il
me parlait, et je restais coi; j’observais le sang qui dégoulinait sur
le visage de cet homme d’à peine cinq pieds cinq pouces et pesant
peut-être 130 livres tout mouillé. Il développait, mais tout ce que je
voyais, c’était ce sang injuste qui lui tapissait la joue, comme un
maquillage d’Halloween oublié.«
Ça va, je suis correct », qu’il disait. «
Je
me suis retrouvé coincé quand les policiers ont chargé, et le policier
face à moi a perdu l’équilibre, alors il m’a matraqué cinq ou six fois
en ligne. » Et moi, je contemplais le sang sur son visage.En
fait, ça n’aurait jamais du dégénérer ainsi. De 15h30 à 16h45 environ,
je jasais avec des lecteurs de mon carnet, et tout était calme. Au
début, les manifestants occupaient le trottoir, puis la rue, criant,
chantant, faisant du bruit, mais pacifiquement.Puis, tout a
dérapé vers 16h45. Comme si quelqu’un, en haut, avait décidé que
l’heure était venue de tout nettoyer, de cacher ces sales manifestants
faisant honte à sa majesté le prince Charles.