billy - Citation :
- Le sens de l’humanité est une valeur oubliée aujourd’hui ;c’est vraiment triste
J’observe encore tout autour de moi et soudain mes paupières faibles cèdent face aux larmes qui ruissellent sur mon visage. Je laisse mes rêves d’anges s’envolés comme un oiseau rebelle sur sa perche. Je regarde impuissant tout ces gens qui crient le jour comme la nuit sans être entendus.
Récemment, billy, je lisais la réponse d'un lecteur à un cri de détresse d'un jeune nord américain et je crois que sa réflexion s'applique tout autant à ton cri visant notre éveil.
Si je te réponds aujourd’hui…Nestor Turcotte, Matane
«La lecture de ton texte paru dans le journal Le Soleil de samedi le 28 avril 2007 m’invite à sortir de mon silence. De ma retraite. Avec tous les risques que cela comporte. Surtout celui d’être mal compris, mal jugé, mal interprété.
Ton cri a atteint la fibre profonde de mon état d’être vieillissant. Cinquante ans séparent nos éphémères existences. A deux cent kilomètres de ton école, j’entends le cri de ton cœur désespéré, la détresse qui s’amplifie dans ton être affolé, la tristesse qui habite tous les recoins de ta fragile vie de jeune homme brisé. Si je te réponds aujourd’hui, c’est pour te dire que tout ce que tu reproches aux générations qui te précèdent ne me laisse pas indifférent. J’ai fait le même exercice quand j’avais ton âge, en espérant que mon cri soit entendu par ceux qui me devançaient et que je voulais corriger. Quelques décennies plus tard, il semble que rien n’a changé. Ou si peu. La violence est maintenant planétarisée et généralisée. Elle est visualisée. Elle est montrée. Repassée et sans cesse repassée sur nos écrans de télé. Comme si l’humanité n’avait pas autre chose à montrer que les horreurs qu’elle arrive à si bien cultiver.
Tu as raison d'exiger
L’humanité, depuis l’entrée du péché, n’a pas su trouver d’autre voie que celle de l’affrontement et des contrevérités. Du mensonge orchestré. Des guerres planifiées, organisées et subventionnées avec nos impôts bien payés. Je te comprends d’être en beau maudit, révolté, ayant le goût de tout chambarder, dans l’espoir d’être écouté. Tu voudrais un monde différent. Tu as raison de le réclamer. Tu voudrais un monde où la paix va enfin triompher, et tu as raison de l’exiger. Tu dois continuer à l’espérer, à le construire et à tout faire pour qu’il puisse arriver. Tu voudrais que l’humanité cesse de se diviser pour se réconcilier, fraterniser, cesser de guerroyer. Tu rêves que le mal soit éradiqué. À tout jamais. De cela aussi j’ai rêvé, comme toi, lorsque j’entrais dans l’adolescence, tout comme toi, révolté.
Tu enrages face aux excès du pouvoir et de l’argent. L’argent qui trafique la prise du pouvoir et le pouvoir qui permet d’accumuler encore plus d’argent afin de spolier encore davantage le pouvoir qui procurera davantage d’argent. Tu ne m’étonnes pas en disant que ta génération ne sait plus distinguer entre le bien et le mal. Qui vous l’a enseigné? On vous a mis sur les multiples chemins de la vie en vous disant de vous débrouiller seul, qu’en vous laissant faire et en vous laissant vivre, vous arriveriez bien à trouver, toujours seul, la voie qui vous convient. Les guides qui devaient vous soutenir ont manqué de courage, se sont cachés dans un mutisme étonnant, ont préféré leur confort à l’engagement, n’ont pas osé prendre la parole de crainte d’avoir à réaligner leur propre vie souvent incohérente, si peu à imiter. On ne peut indiquer à l’autre la bonne voie quand on fréquente des voies de détournement.
Tu cherches la paix. Tu ne veux plus la guerre. Tu cherches l’harmonie, la concorde, et tu trouves discorde, individualisme et narcissisme. Ce monde se meurt d’être techniquement parfaitement bien organisé mais spirituellement appauvri, sans étoile polaire pour faire avancer l’embarcation, sur les mers agitées de la vie.
Le bonheur est en toi
Tu cherches la fin des hostilités, les réponses à tes questions. Tu as raison de l’exiger. Mais selon le vieux conseil du philosophe Boèce, mort en 525, ne cherche pas un bonheur en dehors de toi. Passe du monde extérieur au monde intérieur et de celui-ci, remonte vers le transcendantal. Le monde ne peut changer sans que toi, d’abord, tu commences à faire cet exercice difficile mais obligatoire, de te changer toi-même. Longtemps j’ai pensé changer le monde en posant des gestes d’éclat. Petit à petit, j’ai appris que la meilleure façon de changer le monde, c’était de me changer moi-même. L’humanité se transformera lorsque tu commenceras à te transformer toi-même.
Quatre attitudes fondamentales sont à développer pour y arriver: conquérir une liberté exigeante et responsable; développer ou rétablir des liens qui doivent exister entre les hommes; se dépasser et respecter l’échelle des valeurs humaines (valeurs corporelles, valeurs morales, valeurs intellectuelles et valeurs religieuses); retrouver la capacité d’être fidèle et croire à l’alliance qui doit unir les hommes.
La boussole de l'humain
J’insiste sur les règles morales. Elles sont comme la boussole de l’être humain. Elle est le moyen pour indiquer la direction. C’est la tristesse de ce monde délabré. Non seulement, ce monde a perdu le but à atteindre dans la vie, mais il a perdu le moyen pour y arriver. C’est parce que cette humanité ne sait plus d’où elle vient et où elle va, que finalement elle se sent perdue. Et c’est à cause de cela qu’elle se livre à l’anarchie morale, à la violence et au désespoir. Que les veilleurs sortent de leur léthargie et prennent le risque de parler.
J’ai enseigné toute ma vie. Primaire, secondaire, collégial et universitaire. A la retraite, je continue, bénévolement, à rencontrer les jeunes des écoles secondaires. Sur demande. Chaque fois, j’en reviens bouleversé. L’étonnante tristesse qui se dessine sur les visages me renverse. Reste-t-il un peu de feu au fond du cœur de cette génération sans guides? J’essaie de remuer la braise pour que flambe à nouveau la joie de vivre. Je vois des larmes couler des yeux de certains de mes auditeurs étonnés. Le feu n’est pas encore complètement éteint, je l’ai constaté. L’espérance va encore triompher.
Merci d’avoir écrit, Marc-Antoine. Et souviens-toi du conseil du philosophe Sénèque : «Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas; c’est parce que nous n’osons pas que les choses sont difficiles.» À bientôt, peut-être…»