... un rapport de 208 pages, 47 recommandations et 42 acronymes!
C'est Denise Bombardier qui s'interrogeait récemment au Devoir sur ces commissions qui enquêtent ad nauseam et facilitent le statu-quo pour les dirigeants en dépit des apparences. Alors voyons voir comment cela pourrait s'appliquer pour le dernier produit de nos élites de gouvernance: CBC/Radio-Canada: Définir la spécificité dans un paysage médiatique en évolution, tel que finalement déposé aujourd'hui par le comité parlementaire de Patrimoine canadien à la suite d'une enquête de près d'un an portant sur le "Rôle du diffuseur public au XXIème siècle".
Allons y d’abord d’une analyse sémantique de la brique de 208 pages, 47
recommandations, et 42 acronymes pour les mots suivants:
blog/blogue/blogging/blogosphère : 1x
citoyen : 2x, communautaire : 2x
média citoyen/média communautaire (presse ou radio): 0x
web2.0: 0x
Facebook: 1x, MySpace: 2x, YouTube: 2x
Google, pagerank, relevance, wikipedia: 0x
achalandage (web): 0x
paradigme: 0x
dead duck: 0x, Canard Réincarné: 2x!!!
spécificité: 4x
Alors faut-il se surprendre si le rapport de verbiage se perd selon les priorités des bureaucrates de l’État qui l’ont rédigé pour entretenir les chimères suivantes:
1 - la Loi de la Radiodiffusion et le CRTC
2 - les dogmes des principaux partis politiques
3 - le protocole (pour “fournir l'occasion de clarifier le rôle des médias numériques et des nouvelles technologies”)
4 - les heures de “grande écoute” (quand les gens “écoutent” et participent en temps différé de façon hautement sélective)
5 - la “place des régions” et la “réalité des communautés minoritaires”
6 - les dernières technologies du jour (i.e. TVN aka HDTV et le sous-titrage instantané)
7 - les “indicateurs de performance quantitatifs et qualitatifs”, et
8 - la “reddition de comptes basée sur la gestion axée sur les résultats”!
Doit-on se surprendre que le VP des services de la SRC se réjouisse du statu-quo ainsi: “Radio-Canada demeurera « un important outil de démocratie et de culture pour les Canadiens », et restera un média « multi-plateformes » avec « une programmation de plus en plus distinctive et rassembleuse pour les Canadiens » ?”
Était-il vraiment nécessaire d’apprendre à même la couverture initiale de la nouvelle par le diffuseur public en caractère gras : Sylvain Lafrance satisfait, comme s'il était devenu le bon Dieu pour le chef de pupitre. La nouvelle de la SRC va jusqu’à rapporter : “Les consultations publiques qui ont mené à l'élaboration de ce rapport ont permis au comité d'entendre non seulement la direction de CBC/Radio-Canada, mais aussi des membres du public, des syndicats, des télédiffuseurs commerciaux et des représentants de l'industrie de la production indépendante.”
Mais serait-il possible que la Direction de CBC/Radio-Canada ait été plus “entendue” que “les membres du public” lorsque le rapport ne reconnaît aucunement la situation dévastatrice que crée le monopole du diffuseur public en milieu minoritaire face aux alternatives nouveaux-médias pertinentes et disponibles dans la langue majoritaire? Nous connaissons pourtant bien le discours complètement vide sur “la place des régions” et “la réalité des communautés minoritaires” indiquant qu'il n'y aucune urgence, lorsque le VP s'empresse de commenter "que c'est toujours une question d'équilibre et de coûts", le rapport à peine sorti... OK pour une autre coupure en milieu minoritaire?
Peut-on se demander pourquoi le rapport ne répond pas, malgré les 208 pages, à la question "quel sera le rapport entre le diffuseur public, les médias communautaires, les médias citoyens et les médias privés au XXIième siècle?", ou encore “est-il dans le mandat du diffuseur public de faire la promotion de la culture canadienne qui s’exprime dorénavant directement dans des nouveaux médias sur le Net?”
L’enquête du comité parlementaire devait pourtant porter sur le rôle du diffuseur public au XXIième siècle, pas sur les chimères du vingtième lorsqu’il y a changement de paradigme en matière de contrôle des contenus par l’usager. Le Canard se rappelle avoir poliment remarqué lors de sa comparution que ceux qui siégeaient sur le comité parlementaire étaient généralement d’âge à ne pas comprendre notre nouvel environnement médiatique (i.e. “digital migrants” at best). “Branché” pour la plupart signifie recevoir des courriels sur un Crackberry, et zapper durant leurs temps libres sur leur téléviseur une station reçue par souscription Express-Vu! Les nouveaux médias ne sont qu’une troisième sorte de canal après la radio et la TV. Le rapport qu’ils ont ultimement sanctionné, après de grandes dépenses et délais, le démontre très bien. Espérons maintenant que ce rapport sera discuté dans nos espaces publics et que le diffuseur public facilitera ces discussions plutôt que d'y contrevenir, maintenant que le VP a eu son mot à dire. Yeppe l'art de ne pas gouverner le rôle du diffuseur public et l'art de gérer cette "verticalité"!