La Commission de l'Inclusion déposait un rapport longuement attendu portant sur les problèmes de décrochage communautaire parmi les francos d'une minorité franco hors-Québec, i.e. la fransaskoisie. Le rapport est disponible sur le site ouèbe de l'Assemblée Communautaire Fransaskoise (ACF). Le rapport consiste en 41 pages et 24 recommandations provenant de délibérations suite aux réponses à un questionnaire pour lequel 13 mémoires ont été soumis (un en provenance du Canard!), et à des audiences publiques durant lesquelles une vingtaine de francos se sont exprimés. Six commissaires, un président et un chargé de rédaction&recherche ont délibéré depuis la mi-mai en vue du dépôt d'un rapport "final" en fin de semaine passée lors d'un rassemblement de l'ACF.
Le Canard s'interroge sur le faible taux de participation des francos et se demande si le contenu du rapport n'illustre pas de façon éloquente comment les différentes tutelles s'expriment dans la francophonie hors-Québec.
La Tutelle des Médias
Nulle part dans le rapport, la Commission ne reconnaît le rôle critique d'identification d'une communauté via ses médias imprimés, ses médias de radio-télédiffusion ou encore ses médias électroniques i.e. le Net). Nulle part, suggère-t-elle des lacunes dans ses médias ou des besoins de réformes. Nulle part, parle-t-elle de médias-citoyens pour réengager les francos au discours civil. La seule mention de médias dans tout le rapport est notable et apparaît sous la recommandation 22/24: "La Commission recommande l’utilisation de nouveaux médias (internet, blog, balladodiffusion, etc.) pour rejoindre des individus d’ici et d’ailleurs et pour créer de nouveaux espaces d’échanges au niveau provincial, national et international." La Commission (ou encore aucun des commissaires) ne prêche par l'exemple de ses propres efforts de création (ou de participation à) de "nouveaux espaces d’échanges" pour engager un dialogue bi-directionnel avec les francos, que ça soit avant la Commission, à ses débuts, durant les délibérations ou encore lors de la soumission du rapport "final" aux francos. La Commission ne reconnait aucunement le rôle de promotion que doit jouer ses médias officiels envers des médias citoyens non empreints de rectitude capables de réengager. La Commission ne voit pas comment les jeunes (et les moins jeunes) décrochent de médias sclérosés. Le Canard dénonce dans ce rapport un cas absolument flagrant de Tutelle des médias ou de "communications tricotées bein serrées". Le problème du décrochage que cela engendre semble manifeste à même le rapport.
La Tutelle des Chaires Académiques
Le langage du rapport est aseptisé de formes et références académiques qui n'ont *aucunement* leur place dans un document orienté vers une communauté franco. Un rapport de 41 pages n'a pas sa place et une bibliographie de trois pages ou encore Teilhard de Chardin, pas plus: ce document ne s'adresse pas à des académiciens mais à une communauté franco en crise! La recommandation 24) est notable pour démontrer comment la Tutelle des Chaires Académiques s'est exprimée dans ce rapport: "Conscient de l’importance accrue de l’immigration comme contribution importante à la population et à l’économie provinciale et nationale, ainsi qu’à toutes les provinces du Canada, il est recommandé que l’ACF poursuive le dialogue et la réflexion entre chercheurs universitaires et représentants communautaires sur ces questions touchant l’identité, l’inclusion et l’intégration francophone à l’ère de la mondialisation."
La Tutelle des Instances de Représentation
La gouvernance faisait partie du questionnaire mais peut-on se demander comment une entité pour laquelle son président est directement associé à l'ACF peut-elle faire preuve de suffisamment d'esprit critique pour comprendre comment le secteur associatif ainsi que tous ceux qui vivent sous la bulle de la francophonie contribuent-ils en fait au décrochage des francos à la dérive. Comment des gens qui ont la chance de travailler en français peuvent-ils véritablement comprendre les besoins linguistiques/culturels ou identitaires des autres? Comment des gens issus en grande partie de milieu majoritaire franco peuvent-ils véritablement comprendre une identité franco en situation minoritaire? Le rapport parle de diversité et d'unité mais ne reconnaît aucunement le besoin d'un espace public franco ONG non accaparé par les services gouvernementaux ou associatifs. Un tel espace permettrait de mettre au défi un monopole sclérosé et ses "portes-parole" qui prennent pour acquis les francos.
Un langage de gouvernance sclérosée se manifeste dans ce rapport avec la création de nouveaux "plans d'action", de "politiques", de "status et règlements", de "programmes" et de "partenariats" accaparés par les agents de la Tutelle. C'est comme si on faisait tout pour désengager davantage ceux qui ne s'engagent pas en raison de ces attitudes bureaucratiques. On parle de citoyenneté mais nulle part de discours civil, l'absence de discours civil étant la caractéristique principale des opérations d'une tutelle.
Le Canard croit qu'une analyse critique de ce rapport est immensément révélatrice sur la nature des problèmes d'exclusion ou de décrochage des francos en situation minoritaire. Probablement pas cependant ce que la Commission de l'Inclusion désirait communiquer... En l'absence d'un espace public FHQ sur le Net et compte-tenu de la prévalence du problème de décrochage parmi les FHQs, le Canard invite tous les francos vivant en situation minoritaire (et pas nécessairement seulement ceux de la fransaskoisie!) à vous exprimer librement sur ce rapport à même la section des commentaires. Qui ne dit pas mot ne consent-il pas: une autre caractéristique d'une tutelle? cqfd