Le français québécois...

Une fois n'est pas coutume, mais pour une fois je suis entièrement d'accord avec l'analyse d'Alain Dubuc (La Presse) sur la situation du français parlé ici au Québec. En vue de l'arrivée de Thierry Ardisson à l'émission de Guy A. Lepage, la version québécoise de sa propre émission Tout le monde en parle, Dubuc fait une mise au point du français québécois.

Je ne me contente que de citer quelques propos que je trouve très pertinents:

- "Si des animateurs ou des académiciens peuvent se moquer du français québécois, ce n'est pas parce que notre langue est méprisable, mais parce que nous ne sommes pas assez nombreux pour l'imposer (donc un problème démographique)";

- "Le français du Québec n'est pas figé dans le temps, il est plutôt nourri par son environnement nord-américain (...) et à ce titre, cette langue a suivi les mêmes évolutions que les autres langues d'Amérique issues de l'Europe";

- "À cette réalité démographique s'ajoute un problème culturel propre au français, une langue codifiée et normée comme nulle autre, une langue rigide dont l'évolution est freinée par l'Académie française, ce qui explique en partie qu'elle soit en perte de vitesse. Le contraste est frappant entre la pratique des capsules linguistiques, qui sont là pour nous dire ce qu'il ne faut pas dire, et l'approche anglo-saxonne, par exemple celle de William Saffire, dans le New York Times Magazine, qui s'émerveille à chaque semaine des nouveaux mots, expressions et usages";

- "C'est également une langue dominée par des codes sociaux, qui font en sorte qu'il n'y a en fait qu'un seul accent acceptable, celui des élites parisiennes. Cela force tous les autres, les Québécois, les Belges, ou les Français de Lyon ou de Marseille, à se conformer à ces codes, à gommer leur accent, pour éviter les moqueries, mais pour être compris et accepté, pour réussir".

En conclusion:

- "Il n'y a pas de solution à ce malaise, car la loi des nombres est sans appel. Mais il y a une consolation. Ce n'est pas nous qui avons un problème, mais plutôt les Français. Et lorsque Thierry Ardisson se moque du français québécois, il n'est pas branché et urbain. Il reflète tout simplement la rigidité, le conformisme, et la sclérose de la société française."

Je ne suis pas prêt à blâmer la sclérose de la société française comme la source du mal, mais la sclérose d'une diaspora franco accaparée par je ne vous direz pas qui à part que ca commence avec un E majuscule. Certains y mettront un accent et même une cédille au derrière... Je ne crois pas que parmi les anglos leur Etat nuisent autant à l'essort de la langue.

Sérieusement, gaulois, je ne suis pas du genre devinette.

Faudrait me dire de quoi tu parles, svp !

Je blâmais l'Etat pour étouffer la diaspora franco ou ils perdent le contrôle. E pour Etat, État ou Êtat selon la discussion des claviers sous le fil de la proposition du collectif. AF a elle aussi de la difficulté à suivre un fil. Ca prend un gaulois pour apprécier ces comportements non-anglo.

A bien y penser, à moins que ca ne soit un S pour Soumis à l'Etat plutôt qu'à un fil bien fragile.

Oui, l'État mais aussi ses instruments. Dubuc parle de l'Académie française de même que de la mentalité d'une culture. Je crois que la situation d'une langue est le résultat de plusieurs facteurs, pas seulement de l'État.

J'adhère sans réserve à l'analyse de Dubuc, pour une rare fois. Il est évident que le français est une langue exigente et que pour le parler, il faut faire des efforts supplémentaires.

Notion d'élitisme et de codification dans la langue française? Très certainement. L'ignorer et s'appuyer sur la seule raison d'État, c'est une analyse insuffisante, à mon humble avis.

Ce que je signale, c'est que parmi les pays anglos, l'Etat ne semble pas se préoccuper de la langue et de la culture à l'étranger. Peut-être l'emphase est plus commerciale, "libre-échange" en matière de langue et culture (avec évidemment certains exc
ès de nos voisins du Sud dont je préfèrerais ne pas écarter le fil); la littérature anglo abonde en auteurs venant des anciennes "colonies"; je ne crois pas que ca soit autant le cas dans la francophonie. Ces réflexions étaient dans l'actualité il y a quelques mois.

Dans les pays francos, ya un tas d'infrastructures étatiques de dinosaures qui prétendent être utiles. Pour la France, on peut penser aux Légions Etrangères, aux Alliances Francaises, et toute la rapaille de la langue dans les ambassades/consulats qui bidonne (e.g. "faire la promotion des tisamis") à l'étranger. Je crois que le Québec (&Canada) ont leurs institutions étatiques à l'étranger.

C'est un phénomène culturelle propre au français, justement.

La culture française est une culture d'élite, en quelque sorte. Comme le disait Dubuc, cette langue est faite de codes et de normes. On n'en sort pas, c'est une question de mentalité propre à un groupe linguistique.

Pourquoi d'ailleurs les Français sont-ils si individualistes? C'est encore une question de culture: un Français républicain est un individu qui défend des droits individuels dans le contexte d'une république, ce qui ne semble pas le cas d'autres cultures même européennes.

À propos du «français québécois», voir l'anecdote relatée dans le magazine Québec science (juin 2006):

Citation :

Billet

Le malentendu français

par Raymond Lemieux

http://www.cybersciences.com/cyber/fr/magazine/juin_2006/chroniques/billet.html

AF

Ah, comme ça, il me faudra faire l'effort de le lire... J'aurais aimé un résumé servi à la petite cuillère d'argent...

Si je comprends bien l'article en question, les disputes sur le français québécois et le français français, c'est une tempête dans un verre d'eau.

Tout à fait d'accord.

Me semble que les Français devraient aussi avoir cette ouverture d'esprit. C'est pourquoi je tends à croire que les Français ont tendance à exercer un monopole sur cette langue.

D'ailleurs ce même article ne fait que confirmer ce que j'en pense: il a fallu convaincre le recteur français du bien-fondé de l'embauche de Michel Desautels...

spacecowboy a écrit:

Ah, comme ça, il me faudra faire l'effort de le lire... J'aurais aimé un résumé servi à la petite cuillère d'argent...

Spacecowboy, il s'agit d'une petite anecdote sous forme de «billet»; pas d'un roman! De plus, c'est une suggestion de lecture seulement. Concernant ce numéro, je vais peut-être revenir un peu plus tard sous un autre fil avec quelques impressions à propos de Jean-Paul Riopelle.

AF

spacecowboy a écrit:

Si je comprends bien l'article en question, les disputes sur le français québécois et le français français, c'est une tempête dans un verre d'eau.

Tout à fait d'accord.

Me semble que les Français devraient aussi avoir cette ouverture d'esprit. C'est pourquoi je tends à croire que les Français ont tendance à exercer un monopole sur cette langue.

D'ailleurs ce même article ne fait que confirmer ce que j'en pense: il a fallu convaincre le recteur français du bien-fondé de l'embauche de Michel Desautels...

Je pense aussi qu'il faut prendre cela avec un grain de sel, un peu (beaucoup) d'humour... et ne pas perdre de vue que la «loi du nombre» y est aussi pour quelque chose.

À+

AF

Oui, comme mon dernier post l'indique, j'ai lu le billet en question et je le répète: il devrait y avoir une plus grande souplesse de la part des Français au sujet des normes et des codifications du français. Tout à fait d'accord.

ps: je chiale pas souvent, aussi je me suis permis un petit relâchement cybernétique...

Cet article me rappelle une émission de Tout le monde en parlait ou Michel Tremblay expliqueait que dans le temps la Ministre des Affaires culturelles,Thérèse Casgrain, avait refusé sa demande de subvention pour présenter Les Belles Soeurs à Paris, la jugeant trop «cela» pour les français.

QQ années plus tard, il a monté la pièce à l'Espace Cardin, sans subvention de Québec, la critique a été unanime, les français avaient tous compris la langue utilisée et la pièce fut acclamée comme la meilleure production étrangère de la saison.

Citation :

On a tous de ce genre d’anecdotes savoureuses qui trahissent le chauvinisme linguistique et hyper-normatif de nos cousins. Des anecdotes qui démontrent aussi que, quoiqu’en pensent les chantres de la francophonie, notre langue commune peut paradoxalement nous éloigner des Français. Admettons qu’ils sont parfois cocardiers… et qu’ils aiment notre accent. Alors quoi? Faut-il s’arrêter à cela?

Pas mal ça et je ne crois pas que les Français imposent.La décision nous revient,celle d'être entre nous et avoir de la difficulté à communiquer et avoir des rapports avec ceux qui parlent le Français hors de l'Amérique ou celle de se rapprocher en faisant ce qu'il faut.

Ya un blogue assez fascinant de Uncle Toby diffusé par Technorati ("tag" francophonie) qui rejoint beaucoup de mes appréhensions contre l'Etat et le rôle détrimental qu'il joue sur l'état de la langue francaise. Un peu dogmatique mais quand même d'intérêt, j'espère bien. Voir blogue 0.2%.

À propos de «Technorati», il y a aussi le «Le Petit Champignacien illustré»

Citation :

lundi, 04 septembre 2006
Le 400e absolu

Raffarin arrive au Québec pour parler du 400e de Québec et de la francophonie.

Je ne retiens pas cette phrase pour me moquer une nouvelle fois de ma tête de turc préférée, mais à propos de cette tournure elliptique qui me semble canadienne française. Je trouve en effet dans Google 600 occurrences du 400e sans aucun complément, tous sur des sites canadiens, que ce soit pour l'anniversaire de Champlain, de l'Acadie ou de Québec. Et cela me paraît un calque syntaxique de l'anglais qui permet cette construction absolue.

http://champignac.hautetfort.com/archive/2006/09/04/le-400e-absolu.html

AF

Faudrait demander à l'OLF (L'Office de la Langue Française) de nous indiquer la façon la plus appropriée pour parler du 400ème.....

PS: y a-t-il encore du monde à l'OLF ou bien si c'est en voie de fermeture ?? on n'entend presque plus jamais parler de l'OLF, me semble.....

Les politiques en matière linguistique semblent au ralenti au Québec et cela toucherait aussi l'OLF.

C'est que les politiciens d'ici ont peur de réactiver le débat sur la langue, autant du point de vue législatif que sur la défense de la langue sur le terrain.

Même dans ce forum, le simple fait de promouvoir le français correct n'est pas toujours bien reçu...

Ça fait que...