Le Frère Un Tel régurgité

Jean-Paul Desbiens vient de s'éteindre. Il a été un grand brasseur de la Révolution Tranquille et s'exprimait déjà à l'époque sous le pseudonyme du Frère Un Tel. Le Devoir reprend ce matin un de ses textes à l'occasion de son décès. Le Canard en reprend quelques fragments:

Citation :

Nos gens n'admirent que machines et technique; ils ne sont impressionnés que par l'argent et le cossu : les grâces de la syntaxe ne les atteignent pas. [...]Quoi faire ? C'est toute la société canadienne-française qui abandonne. [...]Nous sommes une race servile. Nous avons eu les reins cassés il y a deux siècles et ça paraît. [...]Quand je pense, je pense liberté; sitôt que je veux agir, c'est le dirigisme qui pointe l'oreille. Il n'est d'action que despotisme. Pour nous guérir, il faudrait des mesures énergiques : 1) contrôle absolu de la radio et de la télé. [...]Mais cela ne serait pas encore agir sur la civilisation. Ferons-nous l'économie d'une crise majeure ? Ferons-nous l'économie d'un péril mortel qui nous réveillerait, mais à quel prix ? Là-dessus, je vous assure de mon estime.

Le Canard Un Tel

Son «message» a bien été compris , mais malheureusement , le «messager» a vite été oublié.

Citation :

« On est amené ainsi au coeur du problème, qui est un problème de civilisation. Nos élèves parlent joual parce qu'ils pensent joual, et ils pensent joual parce qu'ils vivent joual, comme tout le monde par ici. Vivre joual c’est Rock’n Roll et hot-dog party et ballade en auto etc... C’est toute notre civilisation qui est jouale. On ne réglera rien en agissant au niveau du langage lui même (concours, campagnes de bon parler français, congrès etc..). C’est au niveau de la civilisation qu’il faut agir. »

Citation :

Le Québec doit beaucoup à cet homme qui, disait-il en conclusion des Insolences, avait voulu créer un appel d'air pour que «s'expriment les générations de silencieux d'où je suis sorti». L'enseignant qu'il était aura réussi. Pour la société québécoise, il aura été un grand pédagogue.

Bernard Descôteaux

http://www.ledevoir.com/

Nous lui devons effectivement beaucoup.

AF

Ajout au blogue:

Citation :

Le Frère Un Tel aura-t-il été le premier franco à identifier les médias comme critique au changement d'une société, cela avant même Marshall McCluhan dans le Canada anglais (Understanding Media: The Extensions of Man, 1964)? Comment a-t-il réussi à engager les médias intello de son temps? Comment se réincarnerait-il aujourd'hui dans le hors-Québec pour parer à la langue de bois de nos médias ainsi qu'à la situation des dèdes doques?

Le Canard se demande en terminant si nos médias FHQs seront capables de mettre en contexte le message du Frère Un Tel à l'occasion de son décès? Faut-il simplement oublier l'histoire et ne pas regarder dans le rétroviseur de peur qu'on sache ou nous en sommes rendus...50 ans plus tard?

La Tutelle et le Frère Un Tel (régurgitées)...

Citation :

Un groupe (ou un individu) entre en Tutelle lorsqu'il n'est plus capable de s'occuper de lui-même, de prendre ses propres décisions, d'établir ses propres priorités, de payer ses propres factures, de s'occuper de sa prochaine génération, etc... On lui assigne un ou des mandataires (administrateur), parfois même des membres de ce groupe. On isole aussi les membres du groupe. Beaucoup de membres du groupe décrochent. Le financement de la Tutelle n'est plus nécessaire lorsque la majorité des membres du groupe a décroché. Les premières classes à décrocher sont les jeunes, les classes entrepreneuriales, professionnelles et ouvrières. Les dernières: les bureaucraties nécessaires au maintien de la Tutelle. Déjà-vu?

Les Premières Nations se sont souvent retrouvées en situation de Tutelle. Les gens qui déclarent faillite se retrouvent en Tutelle. Les groupes qui se rebellent sont aussi souvent mis sous Tutelle et des fusils étaient autrefois nécessaires pour la maintenir. Des paiements peuvent aussi en tenir lieu. Et la médication (&alcool) aussi. Un groupe sous Tutelle ne dispose pas de ses propres médias et des agents de la Tutelle s'y occupent à répéter les dogmes de la Tutelle ou leur passer du floffe comme "contenu". Le régime soviétique a longtemps opéré sous Tutelle avant de s'effondrer. Les jeunes, les classes entrepreneuriales, professionnelles et ouvrières ont été les premières à se déraciner vers l'Ouest. Déjà-vu?

Mais dans une Tutelle complète, un média comme TG (ou le Canard ou Amérique Française) n'existerait pas. Voit-on de tels médias lorsque la Tutelle est en train de se démanteler étant devenu tellement flagrant. Rappelons-nous le rôle des médias de l'Ouest lors du démantèlement du régime soviétique.

Les Tutelles ont de grandes difficultés avec le Net puisqu'elles ne peuvent pas l'acheter... Comment est-ce que la Tutelle se réincarnera? Oui je crois que Big Brother surveille TG pour le savoir, comme il regardait les médias de l'Ouest quand le régime soviétique s'est effondré. Moi aussi, et le Frère Un Tel, lui?

Tel que rediffusé sur TG par Christian, l'admin:

Citation :

Frère Untel, priez pour nous !
Une fois au ciel, cher Jean-Paul Desbiens, alias frère Untel, priez pour nous pauvres pêcheurs, avec un accent circonflexe en forme de chapeau, c'est plus beau, car à la saison de la pêche et des vacances, ils sont bien peu nombreux ceusse qui se soucient d'orthographe et de syntaxe.

Jean-Paul Desbiens, mieux connu sous le nom de frère Untel, vient donc de mourir. Et avec lui, c'est un grand pan de l'histoire du Québec qui gît six pieds sous terre. Qui se souvient qu'avec « Les insolences du frère Untel » il a secoué les puces de l'église, questionné l'omniprésence de la religion, critiqué la piètre qualité du français et pourfendu le niveau de l'éducation ? Qui se souvient qu'en disant tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas, il a ouvert les portes à la révolution tranquille et remis le français à sa place ? Qui se souvient, sans avoir eu recours à la lecture des articles consacrés hier à la mort du brillant polémiste, qu'il a poussé l'État à légiférer sur notre langue, trésor collectif, pour la protéger et la préserver ?

L'apport de celui qui écrivait dans sa première lettre aux médias « Je trouve désespérant d'enseigner le français » est inestimable. Dans une contrée ou la devise est « je me souviens », on devrait peut-être faire un petit effort de mémoire.

La seule chose que l'irrévérencieux frère n'aura peut-être pas essayé de nous apprendre à propos de la langue, c'est comment la tourner sept fois dans la bouche de celle ou de celui que l'on aime. Mais peu importe, si aujourd'hui on peut embrasser en français et pêcher avec un chapeau, c'est un peu grâce à un frère qui voulait garder l'anonymat. Ainsi soit-il !

Source: http://blogue.branchez-vous.com/archives/2006/07/frere_untel_pri.html

Incidemment, je crois que c'était Un Tel plutôt que Untel...en tout cas selon la parution au Devoir de 1959. Même son nom original aura été oublié! Quelle ironie pour un endroit ou la devise est bien "je me souviens".

"Le frère Untel ou l'anonymat d'un collectif!" est publié ce matin par Le Devoir et nous rappelle l'importance du pseudonyme sous lequel Jean-Paul Desbiens s'exprimait et comment la rectitude sévissait dans l'Eglise:

L'effet Untel est beaucoup là, à savoir qu'un obscur soldat de l'Église se permette d'écrire ce qu'il pensait, sans nihil obstat, sans imprimatur, sans cum permissu superiorum, comme il était d'usage alors, pour produire trop souvent des textes insipides.

Pour "insipide", lire floffe ou gueule de bois. L'Etat ayant remplacé l'Eglise en grande partie, on peut se demander aujourd'hui selon la sagesse du "nil novi sub sole" qu'est-ce qui a pris la place du "nihil obstat, sans imprimatur, sans cum permissu superiorum": la prochaine subvention (ou "contrat") de Patrimoine ou du Conseil des Arts, le "Plan d'Action", la commission de l'Inclusion, les chaires de recherche des identités franco, etc...??? Que sont les nouveaux dogmes à ne pas discuter sans sérieuse conséquence? Qui sera l'obscur soldat de l'État à dénoncer les pratiques d'assimilation de l'Etat sous un pseudonyme? Quel média sera utilisé?

En terminant, on peut se demander si la Révolution Tranquille des FHQs sera tellement tranquille que personne ne la remarquera? Ou encore un arbre fait-il du bruit quand il tombe si les médias ne sont pas là pour nous en faire part?

Quelques extraits d'un autre texte paru dans Le Devoir d'aujourd'hui:

Citation :

Troublante actualité

Christian Rioux

Édition du vendredi 28 juillet 2006

(...)

À l'image d'un Pierre Bourgault, dont il était pourtant si différent, Jean-Paul Desbiens était un homme d'avant les consensus mous. C'était un homme d'avant la rectitude politique, qui muselle tant de nos chroniqueurs et éditorialistes. Peut-être parce qu'il avait les deux pieds bien ancrés dans son pays et dans une foi profonde.

Plusieurs des jugements de Jean-Paul Desbiens ont évidemment vieilli. Les polémiques sur le joual, l'accent et la prononciation sont en partie révolues. Daniel Boucher n'est pas plus fautif que Renaud, et tous les peuples du monde ont leur langue populaire. Mais, à la différence de ce qui se passe ici, il est rare qu'ailleurs la langue populaire envahisse à ce point les médias, la politique et les affaires. Et surtout qu'elle subisse une telle offensive de l'anglais.

(...)

http://www.ledevoir.com/

AF

La contextualisation à la situation linguistique des FHQ près de 50 ans plus tard me semble bien pauvre: Mort de Jean-Paul Desbiens, pourfendeur du «joual». Ca vient de l'Express de Toronto. Dommage.

gaulois a écrit:

La contextualisation à la situation linguistique des FHQ près de 50 ans plus tard me semble bien pauvre: Mort de Jean-Paul Desbiens, pourfendeur du «joual». Ca vient de l'Express de Toronto. Dommage.

Il nous apprend pas grand chose sauf parler de lui.

Revenant au joual, j'écoutais Michel Tremblay la semaine dernière à l'émission Tout le monde en parlait, défendre l'utilisation du joual dans ses pièces.

Il expliquait que le joual était le parler de nos mères qui sans eux nous aurions perdu notre «français». Entre le père qui ne parlait qu'anglais au travail et apportait des anglicismes à la maison , nos mères dans le parler joual ( adoptant les anglicismes du père) ont sauvegardé la langue.

Il spécifiait qu'il n'aurait pu trouver dans la langue française politicallly correct les mots justes pour signifier toute le pathos se retrouvant dans: J'suis écoeuré de cette tabarnacle de job qui m'arrache cette tabarnacle de vie ( ou qq chose du genre).

Je lisais aussi que Les Belles-sœurs est le texte québécois le plus joué de par le monde, dans plus de 15 langues et dans 25 pays.

Sénateur a écrit:

Il spécifiait qu'il n'aurait pu trouver dans la langue française politicallly correct les mots justes pour signifier toute le pathos se retrouvant dans: J'suis écoeuré de cette tabarnacle de job qui m'arrache cette tabarnacle de vie ( ou qq chose du genre).

Certainement, le joual nous convient beaucoup mieux pour vraiment exprimer nos sentiments et pensées les plus vraies (c'est à-dire les moins dissimulées). Tandis que le français est un langage de certitude exact, le joual est un langage de sincérité libre.

beauman a écrit:

Sénateur a écrit:

Il spécifiait qu'il n'aurait pu trouver dans la langue française politicallly correct les mots justes pour signifier toute le pathos se retrouvant dans: J'suis écoeuré de cette tabarnacle de job qui m'arrache cette tabarnacle de vie ( ou qq chose du genre).

Certainement, le joual nous convient beaucoup mieux pour vraiment exprimer nos sentiments et pensées les plus vraies (c'est à-dire les moins dissimulées). Tandis que le français est un langage de certitude exact, le joual est un langage de sincérité libre.

C'est bien dit ça , sincérité et libre