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 Tirer sur le pompom

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Sénateur
Prince de l'Acadie
Prince de l'Acadie
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Masculin Nombre de messages : 4141
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MessageSujet: Tirer sur le pompom   Tirer sur le pompom EmptyMer 07 Déc 2011, 07:10

Article de Rino Morin Rossignol parue dans l'Acadie Nouvelle de ce matin qui est bien d'actualité et surtout qui mérite une lecture et une réflexion.

Les suicides d’une adolescente québécoise et d’un adolescent ontarien alimentent les médias depuis quelque temps. Victimes d’intimidation à l’école, ils ont craqué et ont préféré le silence de l’éternité aux quolibets du quotidien. Bien sûr, tout le monde s’émeut, avec raison, de ces tragédies - j’allais dire ces tragédies domestiques - qui dérangent notre bonne conscience collective.

Et tout le monde cherche des explications, des coupables, des solutions. On fait venir en studio des observateurs, des commentateurs, des chroniqueurs, des journalistes, des parents, des
intervenants scolaires, et une gamme de psys de tout acabit.

Tout le monde a son opinion sur le sujet et tandis que tout le monde
partage cette opinion avec tout le monde, des jeunes intimident des
jeunes. Et des jeunes se suicident.
•••

Il y a une raison bien simple à tout ce cirque. C’est que l’intimidation a toujours existé et à moins que dans un avenir imprévisible l’humanité au grand complet se sanctifie, il est à redouter que le phénomène de l’intimidation soit là pour rester.
Dans toute société, autant celles d’autrefois que celles d’aujourd’hui, les groupes humains identifient toujours un bouc émissaire dont la fonction est d’expier les fautes du groupe, ou de canaliser l’énergie du groupe.
La plus belle figure de victime expiatoire que l’on connaisse, c’est
celle de Jésus dénoncé par ses contemporains et mourant sur une
croix, comme agneau de Dieu, afin de sauver les péchés du monde.
Immolé pour le groupe. Même si la logique derrière la rectitude politique est problématique et possiblement néfaste à bien des égards, cette même rectitude politique a eu du bon en ce sens qu’elle a jeté un discrédit sur l’ostracisme d’une grande variété de personnes. Les blagues désobligeantes sur les blondes, les Newfies, les gays, les Noirs, les handicapés, par exemple,ne sont plus de mise. (Ce qui ne signifie pas pour autant qu’on n’en raconte plus.) Mais le fait de dénigrer ces groupes ne passe plus la rampe.
•••
Alors, il faut d’autres victimes expiatoires. Aussi bien à l’école,microsociété en formation, que dans la communauté sociale environnante. Depuis quelques années, dans notre société, le grand champion bouc émissaire toutes catégories est le fumeur. Chargé de tous les maux de la société, il a vu son espace vital ratatiner comme peau de chagrin à mesure que s’élargissait l’ostracisme public à son égard.
Pour beaucoup de monde, cette forme d’intimidation à grande échelle est une bonne chose, car le tabagisme est malsain. C’est vrai que le tabagisme est malsain. Ce qui est encore plus malsain, cependant, c’est l’ostracisme auquel la société a cru devoir recourir à l’encontre du fumeur. Bref: combattre le tabagisme, c’est bien. Ostraciser le fumeur, c’est mal. Quand on veut intimider quelqu’un, on peut toujours trouver une justification.
•••
On en a vu un bel exemple pas plus tard que dimanche soir, àl’émission
Tout le monde en parle. D’entrée de jeu, l’animateur,Guy A. Lepage, a demandé à son premier invité, le caricaturiste Chapleau, si ce dernier avait fait un geste d’intimidation à l’égard de Raël, l’homme qui parle aux extraterrestres, lors de leur premier passage tous deux à l’émission, il y a quelques années. On se souviendra que, pendant l’émission en question, Chapleau ne s’était pas gêné pour dénoncer ce qu’avançait Raël et qu’un certain moment, dans un geste de mépris visant à le ridiculiser, il avait tiré sur le pompon de cheveux que Raël arborait sur le coco. Dimanche dernier, Chapleau a soutenu, deux fois plutôt qu’une, que ce n’était pas un geste d’intimidation, parce que Raël dirige une secte et qu’il l’estime dangereux.

Ben, c’est justement ça, l’intimidation!

La morale de l’un ne l’autorise d’aucune façon à tirer sur le pompon d’un vis-à-vis qui ne partage pas les mêmes valeurs. À moins d’être en état de légitime défense. On vit dans un État de droit. Et si on croit vraiment, en toute conscience, que ce que le monsieur au pompon dit et fait est néfaste, dangereux, criminel, ou autre, on porte plainte devant la Justice. Mais on ne tire pas sur le pompon du monsieur.
•••
Transposons ce type de justification dans une école secondaire. Untel, bon athlète, n’aime pas Untel, plutôt artiste, parce qu’il est efféminé. Pour lui, c’est pas correct un efféminé, c’est contre-nature, ça nuit à la société. Alors, en passant à côté de lui, il le traite de fife, de malade, de dangereux. Et il lui tire le pompon.

Idem pour Unetelle, starlette de l’école, qui n’aime pas Unetelle, trop dodue à son goût. C’est full dégueu, ça écoeure, t’es pas normale, grosse cochonne, qu’elle lui dit, en lui tirant le pompon.

Où est la différence avec Chapleau et Raël?

L’intimidation, c’est tirer sur le pompon de quelqu’un, devant un auditoire d’une seule personne à l’école, ou d’un million de personnes à la télé, parce qu’on estime que cette personne n’est pas correcte et que ça nous donne un droit et un pouvoir sur elle: lui tirer le pompon pour la dénigrer.

Qu’on ait de l’acné, ou un accent différent; qu’on soit gros, ou maigre, ou pauvre, ou riche, ou handicapé, ou noir, ou jaune, ou musulman, ou juif, ou efféminé, ou masculine dans le cas d’une fille; qu’on ait les dents jaunes, ou les yeux croches, ou les cheveux gras, ou une odeur différente; ou qu’on soit mal habillé, ou premier de classe, ou ti-pet de la maîtresse, ou nul aux sports, ou excellent en arts, ou encore qu’on trippe sur les extraterrestres en arborant un pompon de cheveux: personne n’a le droit de tirer sur le pompon de personne. Point à la ligne.
•••
Heureusement, des centaines d’adultes s’évertuent à transmettre ce message à des milliers d’adolescents dans les écoles. Programmes de sensibilisation, mesures disciplinaires, engagement des parents et des jeunes, on ne lésine pas sur les moyens visant à enrayer l’intimidation. Mais si, d’un côté on essaie de transmettre des valeurs de tolérance et d’acceptation de la différence, de l’autre côté une forme d’atavisme perdure dans la société qui, pour se rallier ou se protéger, trouvera toujours le moyen de tirer sur le pompon de quelqu’un.
Si l’école est le reflet de la société, c’est peut-être par ça qu’il
faudrait commencer, han, Madame?
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