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 La Frangouiche de Mme Tremblay

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gaulois
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gaulois


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Date d'inscription : 31/03/2005

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MessageSujet: La Frangouiche de Mme Tremblay   La Frangouiche de Mme Tremblay EmptyVen 25 Mai 2007, 14:56

Peut-on souffrir d’une terrible maladie qui sévit dans tout son entourage sans que cette maladie y soit même reconnue? Et pire encore, peut-on la transmettre à nos jeunes sans que personne ne s’en aperçoive? Hélas oui, pour Mme Tremblay(*) qui enseignait jusqu’à récemment dans une école francophone d’un grand centre urbain de l’Ouest canadien. Mme Tremblay a su cependant triompher de cette maladie!


L’ardeur pour une belle oeuvre

Jadis venue du Québec dans sa petite voiture compacte avec le minimum absolu, elle croyait bien l’avoir quitté. L’œuvre était noble, i.e. aider les francophones hors-Québec à reprendre confiance dans leur culture et leur langue hautement menacée en milieu minoritaire. La ferveur l’animait au même titre que ces lettres de créance en matière de pédagogie et d’enseignement du français. Son amour pour la langue et la culture n’en était pas moindre.

Bien sûr, Mme Tremblay traînait sa part de bagage émotionnel sinon politique. Comme tant de québécois qui l’ont précédé ou suivi, elle croyait durant ses années de jeunesse intensément au projet souverainiste avant de perdre ses illusions éventuellement. Le rêve aurait tout aussi bien pu être fédéraliste avec les mêmes désappointements pour les mêmes raisons, i.e. des individus qui sabordent les belles causes pour leur bénéfice personnel. D’autres québécois étaient demeurés complètement désengagés de ce grand enjeu sociétal mais tous portaient un lourd fardeau sans nécessairement le réaliser. Un peu à l’image de cette terrible maladie qui allait tous les habiter.

Mme Tremblay avait par ailleurs visité durant sa tendre période le Canada “anglais” et y avait même vécu une première aventure amoureuse. Une de ses tantes avait été bonne Sœur en missions étrangères et Mme Tremblay croyait en quelque sorte reprendre le bâton de “missionnaire”, mais plus près de chez soi pour un travail qui aurait dû vraisemblablement être plus facile et ne pas nécessiter la ferveur religieuse de sa tante durant les moments difficiles. Et comment donc une belle cause tel sauver la francophonie hors-Québec pourrait possiblement l’amener à perdre ses illusions une autre fois?


Surprise durant la lune-de-miel

La première surprise de Mme Tremblay fut celle de se retrouver dans son travail parmi une multitude d’anciens Québécois à enseigner les enfants de Québécois. Pas vraiment de francophones natifs du hors-Québec mais plutôt des Québécois pure-laine, des nouveaux arrivants français ou d’ailleurs dans la grande francophonie internationale un peu à l’image du Montréal métropolitain qu’elle connaissait bien. Mme Tremblay s’étonna d’observer des rivalités similaires entre groupe “pure-laine” et autres! Franchement asphyxiant, la vie multiculturelle a-linguistique d’un grand centre urbain offrait de grandes possibilités hors des heures de travail. Améliorer son anglais comporte aussi de grands avantages en situation minoritaire, spécialement auprès d’un partenaire exogame qui semblait bien la comprendre. Croyant parfois errée dans sa mission, notre enseignante se consolait en réclamant avec grande fierté les services gouvernementaux en français, cela quelques fois par années.


Restless natives

Puisqu’elle s’était d’abord concentrée durant une période initiale sur l’essentiel du logis, travail et partenaire, Mme Tremblay n’avait pas vraiment fait de cas de ses étudiants qui s’exprimaient couramment en anglais lorsqu’ils en avaient la chance tel que dans la cours de récréation, la cafétéria ou encore durant les activités para-scolaires. Il y avait après tout des experts pour l’assister avec le PAL (ou Plan d’Aménagement Linguistique), un nom un peu suspect, trouvait-elle. Il y avait aussi le plan quinquennal de pédagogie. Elle n’aurait qu’à remettre des “petits billets bleus” aux élèves qui tout simplement oubliaient les règles. Un peu comme celle de ne pas mâcher de gomme ou de laisser son sans-fil (à caméra) à la maison. L’attention devait plutôt être portée sur la fierté francophone et le “raffermissement de l’identitaire en développement”, selon les experts. Sa tante oeuvrant en missions étrangères avait bien dû similairement devoir corriger les égarements de ceux qu’elle était venue aider dans le développement de leur spiritualité chrétienne, les plus jeunes en particulier. Les parents similairement n’offraient pas nécessairement le meilleur appui à la maison. Une tâche de haute vocation pour la tante et sa nièce, quoi!

Mme Tremblay se mit éventuellement à souffrir d’anxiété dans ses rapports entre les deux langues, ce qui est maintenant reconnu comme de la “frangouiche”. Tirant son étymologie de anguish ou anxiété en anglais, de franglais ou un mélange étrange des deux langues, le mot “frangouiche” évoque le personnage de La Sagouine qui elle aussi se sentait souvent déchirée entre l’anglais et le français. Ou à moins que ça ne soit Sol Le Cloune/Le Clown célèbre pour s’amuser avec des mots des sujets les plus préoccupants.

Le moment de frangouiche le plus notable pour Mme Tremblay était celui de la remise des “petits billets bleus” aux élèves de plus en plus délinquants à mesure qu’ils vieillissaient et qu’on “raffermissait leur identitaire” utilisant des moyens “positifs”. Les élèves les plus âgés semblaient montrer le pire exemple en dépit de ses meilleurs efforts et elle sentait souvent la faillite dans son dur labeur. Mme Tremblay se posait aussi de sérieuses questions sur les experts qui semblaient mal comprendre le problème. L’exemple donné par ces experts inquiétait particulièrement lorsqu’on regardait dans leur entourage immédiat. Cordonnier bien mal chaussé qu’elle se disait bien.


Une frangouiche grandissante

Non seulement, Mme Tremblay souffrait de cette frangouiche au travail mais avait remarqué dans ses rencontres d’amis anglo/franco les difficultés accrues de protocole de rencontre entre les langues. Au début elle était ravie de pratiquer l’anglais mais trouvait maintenant particulièrement pénible de toujours avoir à s’exprimer en anglais si le groupe comptait une seule personne unilingue ou peu à l’aise au français. Elle s’était surprise à plusieurs occasions à parler en anglais à d’autres francophones, un peu comme ses étudiants récalcitrants à qui elle essayait pourtant de mieux enseigner. Elle se commémorait par ailleurs ses expériences de francophone vivant en majorité dans une communauté linguistique beaucoup plus dynamique. Tout s’ajoutait à cette frangouiche et elle avait vu plusieurs anciens camarades de travail qu’elle chérissait bien s’en retourner vivre en situation majoritaire. Elle avait aussi observé dans son entourage franco une multitude de “burn-out” et d’accoutumances nocives se développer à des médicaments anti-dépresseurs.


Gérer la frangouiche

Mlle Gladu, une bonne amie collègue de travail, était originaire de l’Ontario et avait appris à un plus jeune âge à mieux gérer cette “frangouiche” sans toutefois nécessairement mieux la reconnaître. Mlle Gladu était d’ailleurs parfaitement bilingue de jeunesse. Sa mère était anglophone/francophile et son père francophone. Mlle Gladu bien confiante en soi suivait peu le guide du PAL et réussissait à motiver ses étudiants au français en parlant parfois … anglais en catimini. Elle avait ainsi développé une saine complicité avec ses écoliers bien reconnaissants. Mlle Gladu semblait de toute évidence mieux comprendre l’environnement dans lequel ces jeunes vivaient.

Grâce à l’aide de Mlle Gladu, Mme Tremblay fut la toute première enseignante en provenance du Québec à officiellement brûler un PAL sur la place publique et à donner des petits billets “mauves” aux experts sur lesquels elle s’était fiée jusque là plutôt que des gens qui ont l’expérience pratico-pratique à jour en terrain. Elle a choisi la couleur mauve d’après celle des colères les plus sévères du Capitaine Bonhomme, un matelot jadis célèbre au Québec pour ses aventures incroyables dans des terres lointaines.

Mme Tremblay n’enseigne plus mais a repris plaisir à s’exprimer en français dans son entourage franco/anglo. Reconnue comme leader communautaire, elle est devenue consultante et tient maintenant des ateliers de réentraînement pour les gestionnaires et planificateurs originaires du Québec actifs en milieu minoritaire. La rumeur court qu'elle aurait repris contact avec ses anciens étudiants sur Facebook pour s'excuser de ses erreurs. Mlle Gladu n'a jamais perdu contact.



(*) N’ayant jamais oeuvré dans le milieu éducationnel, le nom choisi est strictement fictif et toute ressemblance à la réalité n’est que le résultat de l’imagination fertile de l’auteur de “La frangouiche de Mme Tremblay”
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